Janine Martin-sacriste : Madame Bonnefont

Encore un petit portrait satirique écrit avec talent par Janine…Un régal !

L’odeur du cimetière si proche était concentrée là dans votre salon gris poussière, sur vos poupées des provinces françaises rangées en rang d’oignons sur les étagères de ce meuble vitrine qui respirait l’ennui.
L’ennui que l’on croisait dans les maisons des vieux en ces années là.
Sur le buffet assoiffé de cire, d’immondes petites marquises en porcelaine promenaient des caniches dorés sur des napperons faits maison au crochet, avec vos mains sèches et tavelées.

La musique n’entrait pas chez Madame Bonnefont, seuls le grincement des vieux pieds de chaise sur le parquet marron, le tic-tac du carillon et le ploc ploc irritant du robinet de la cuisine qui tentait de fuir, troublaient le lourd silence de cette maison tombale.

Mère ne vous aimait pas mais il était de la plus haute importance d’aller boire votre thé insipide, croquer vos gâteaux secs et pourtant humides, tous les mois, le dimanche à 17h00.

– Alors Marie, toujours coincée dans ce deuil sans fin ?
– Vous pourriez rencontrer du monde, donner un nouveau père à notre chère Nine.

Madame Bonnefont, vous ne sentiez pas bon dans votre robe noire en satinette fleurie d’un semis violacé.
Je refusais d’embrasser le poireau malodorant et orné de poils noirs et drus, entre votre joue glacée et votre menton agressif.
Je détestais votre peau jaune et parcheminée, votre haleine aillée et votre œil d’oiseau cruel.

Vous aviez un fond mauvais Madame Bonnefont.

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