La grande guerre :  » la der des der  » : 1916 le temps des grandes batailles – Carmen Montet

1916

C’est le changement de la tactique militaire, c’est aussi l’année des grandes batailles et des pertes immenses en vie humaines : ( Verdun, la  Somme… ) Désormais la  guerre se fait  sur tous les continents elle est mondiale.
C’est encore l’ engagement plus massive des troupes associé une  puissance de feu décuplée et une accélération de la production de l’industrie militaire (les  étrangers sont appelés en France pour travailler dans les usines d’armement ).  1916 c’est aussi un tournant décisif pour les belligérants que cela soit à  Verdun, dans la
Somme, les Balkans ou sur la  mer, le conflit change de nature et s’inscrit au coeur d’une stratégie mondiale. De nombreuses offensives, contre-offensives se succèdent tout au long de cette année charnière. En janvier c’est l’offensive allemande en Champagne ( entre la Courtine et le mont Têtu ) tandis que dans les Balkans les Austro-hongrois occupent le Monténégro dont l’armée capitule le 17 janvier. En  février la brigade russe constituée de 2 régiments quitte Moscou par le transsibérien et arrive en Mandchourie à Dairen le 28 février, d’où elle embarque pour la France sur des navires français. Elle arrive à Marseille le 11 avril, où elle reçoit un accueil triomphal.

VERDUN fevrier – décembre 1916 dix mois d’enfer

Le 21 février l’ affrontement au Bois des Caures marque le début de la bataille de Verdun (elle prendra fin  le 18 décembre ). L’artillerie allemande pilonne les positions françaises sur un front de 12 km . Plus de 300 000 morts sont à déplorer dont environ 163 000 Français ( 140 000 Allemands )
Le 25 février c’est la  prise du fort de Douaumont par les Allemands et le 9 avril c’est  l’ échec de l’offensive générale allemande sur le front de Verdun.

A Berlin, 1er mai : plusieurs milliers d’ouvriers manifestent contre la guerre à l’appel de Die Internationale. Karl Liebknecht est arrêté. Ce sont les premières manifestations pacifistes d’autres suivront.

Au début de juin les forces allemandes gagnent du terrain sur le front de Verdun. Durant plusieurs mois la situation est incertaine et il faut attendre le 24 octobre pour que  les troupes françaises du groupement Mangin reprennent, en quatre heures, le fort de Douaumont et réoccupent jusqu’à Vaux tout le territoire conquis depuis huit mois par les Allemands.
Le 18 décembre c’est la fin d’une des plus sanglante et terrible bataille et surtout de la plus longue presque un an dans l’enfer  de la boue, du sang, de la mort  : Verdun marque le tournant de la guerre. Les Allemands sont repoussés par les troupes françaises même si la victoire aux vues des pertes a un gout amer pour les soldats.

La bataille de la Somme : l’ offensive alliée de juillet à novembre 1918


Les forces britanniques ( volontaires ) s’engagent dans la bataille et le 28 juillet, les Britanniques chassent les Allemands du bois Delville, puis prennent Contalmaison, et progressent rapidement vers Péronne et s’emparent de Longueval.
24 août les Français prennent Maurepas. Dans la mémoire collective britannique, le 1er juillet 1916 reste un événement traumatique : le premier jour de la bataille de la Somme est le plus meurtrier de toute l’histoire militaire anglaise avec 20 000 morts pour cette seule journée !

1916, l’ année des batailles ! Avant d’en faire le symbole même de la guerre totale, au risque d’oublier par exemple que les dix-huit premiers mois du conflit furent les plus coûteux en vies humaines, il faut commencer par prendre un peu de recul et
replacer ces événements dans la chronologie globale de la Première Guerre mondiale.
1916 s’explique d’abord par l’échec des diverses stratégies mises en oeuvre l’année précédente. A l’aube du 9 janvier 1916 débute la deuxième vague d’évacuation des troupes alliées du cap Helles, soldant la défaite cinglante de Gallipoli contre les
Ottomans. Première opération intégrée réunissant Français et Britanniques, cette campagne était supposée apporter la victoire aux Alliés en leur permettant de forcer les détroits des Dardanelles. Toute l’opération est une catastrophe.

1916 voit donc un engagement de troupes encore plus massif et un accroissement de la puissance de feu. Mais encore faut-il rattraper à marche forcée le retard de la production d’armements. Début 1916, les états-majors manquent encore de tout. L’Allemagne, qui ne produisait que 38 pièces d’artillerie lourde par mois fin 1915, en fabrique dix fois plus à l’automne 1916. L’accélération de la production est encore plus spectaculaire au Royaume-Uni : 90 canons par mois fin 1914, 3 200 à l’été 1916. La France, qui multiplie sa production de canons lourds par cinq dans le premier semestre 1916, doit renvoyer d’urgence vers les usines d’armement les ouvriers qu’elle avait mobilisés en trop grand nombre au début de la guerre.

Les efforts de l’industrie de guerre en France et en Grande Bretagne ont notamment pour but de préparer une vaste offensive, décidée à Chantilly en décembre 1915 par l’ensemble des Alliés, Français, Britanniques, Italiens et Russes. C’est l’autre changement de l’année 1916 : les Alliés cherchent désormais à mieux coordonner leurs offensives, surtout depuis l’entrée en guerre de l’Italie à leurs côtés, en mai 1915. Sur le
front occidental, les Alliés sont divisés sur l’ampleur et le lieu de l’opération.

joffre

Cette offensive conjointe sera-t-elle précédée d’une série d’assauts localisés, comme le souhaite Joffre avec sa stratégie de grignotage ? Finalement, un compromis est conclu : Français et Britanniques attaqueront les Allemands dans la Somme. Dans le même temps, l’état-major allemand est partagé entre ceux qui veulent poursuivre l’avancée vers l’est, après la série de victoires militaires de Tannenberg (27-31 août
1914) et à Gorlice-Tarnow (mai 1915), et ceux pour qui l’issue de la guerre se jouera nécessairement sur le front occidental.

Falkenhayn


Falkenhayn, le commandant en chef allemand, est favorable à une attaque à l’ouest. Pour lui, la Grande-Bretagne reste l’ennemi principal, avec son industrie de guerre en plein essor et sa puissance navale. Fin mai 1916, la grande bataille du Jütland,
en mer du Nord, donnera d’ailleurs raison à ceux qui continuent à se méfier de la force militaire britannique : 14 navires anglais sont coulés, plus de 6 000 marins britanniques sont tués, mais la marine allemande subit elle aussi de lourdes pertes ( 2 250 morts) et doit battre en retraite pour échapper à la destruction totale.
Attaquer directement la partie du front occidental tenue par les Britanniques serait trop risqué. Falkenhayn suggère donc de faire porter l’attaque contre la France, « le meilleur glaive de la Grande-Bretagne », à l’ouest, visée sur un point névralgique, assez éloigné du secteur des Britanniques pour que ceux-ci ne puissent pas venir au secours des Français : la citadelle de Verdun. Attaquer Verdun a un double objectif pour les Allemands : renouer coûte que coûte avec la guerre de mouvement pour améliorer le moral des troupes, et réduire le saillant de Verdun qui menace potentiellement toute nouvelle offensive allemande.
L’opération Gericht ( Jugement ), qui commence le 21 février 1916, sera un affrontement d’un type nouveau. De Verdun, on a souvent dit que la bataille était à elle seule un condensé de la Grande Guerre – de son intensité, de sa violence meurtrière, de son impact sur l’esprit.

 Bilan : deux grandes batailles deux grandes boucheries humaines
 – Verdun : Plus de 300 000 morts. Les allemands sont stoppés.

La Somme : offensive commune franco-britannique. Durant les quatre mois que durèrent les batailles de la Somme plus de 1 100 000 victimes, dont 415 000 Britanniques, 200 000 Françaises et  de 400000 à 600 000 Allemands. La bataille s’arrête mi novembre sous l’effet conjugué de l’épuisement des combattants et du mauvais temps. Malgré le manque de résultats décisifs, l’offensive sur la Somme aura effectivement contraint l’armée allemande à relâcher la pression devant Verdun. L’armée allemande doute de pouvoir tenir indéfiniment le terrain en France, face à un adversaire dont les moyens humains et matériels ne cessent d’augmenter.

Tandis que les grandes batailles de Verdun et de la Somme se déroulaient sur le front occidental, des combats avaient lieu aussi sur d’autres continents, nous invitant rétrospectivement à ne pas identifier la Grande Guerre à la guerre de tranchées, ni à oublier sa dimension globale. Certains fronts, comme le front oriental, sont en partie coordonnés avec les offensives sur le front occidental.

En Afrique

D’autres fronts, en revanche, évoluent de manière relativement indépendante, par exemple en Afrique. Durant toute l’année 1916, l’armée allemande de Lettow-Vorbeck, composée de 16 000 hommes parmi lesquels de nombreux askaris africains, mène une campagne d’usure contre les forces alliées britanniques et sud-africaines dans les vastes territoires de l’Afrique orientale, évitant sans cesse l’encerclement. La guerre dans ces régions se résume souvent à une suite d’accrochages brefs, moins meurtriers que les épidémies qui déciment les troupes européennes.


Au proche Orient : en Mésopotamie
Les Turcs battent le Britanniques. En Mésopotamie, le printemps 1916 voit le choc entre les Turcs et le corps expéditionnaire britannique, formé en grande partie de troupes coloniales indiennes. Les Britanniques sont encerclés à Kut-el-Amara. La ville finit par se rendre le 29 avril 1916. Les 13 000 survivants du corps expéditionnaire britannique, épuisés par les maladies et affamés, sont faits prisonniers. Un tiers ne reviendront jamais de captivité. Les Russes contre les Ottomans et au secours des Arméniens.
Ce sont les Russes qui, lors de la prise d’Erzurum ( janvier/février 1916), de Van et de Trabzon (avril 1916), infligeront une défaite cinglante aux Ottomans.
4 mars : les Français et les Britanniques se partagent la Colonie allemande du Kamerun.
5 mars : le général sud-africain Jan Smuts lance une offensive générale contre l’ Afrique orientale allemande par le nord-est avec l’appui de troupes indiennes et rhodésiennes. Il
prend Moshi le 13 mars puis avance le long de la voie ferrée de l’Usambara vers Morogoro.
18 avril : sous la direction du général Tombeur, des colonels Olsen, Molitor et Thomas, les troupes du Congo belge, répliquent pour la première fois aux agressions des troupes coloniales allemandes. Les troupes belgo-congolaises utilisent des hydravions sur le lac Tanganyika.

Thomas Edward Lawrence

Dans le même temps, le chérif Hussein prend la tête en juin 1916 d’une révolte arabe contre la domination ottomane, avec l’aide de l’officier de liaison britannique Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie.

Entre victoires et défaites
-La France a gagné la victoire de Verdun ,mais à quel prix ? Pour la bataille de la Somme rien n’est joué !
 – Sur le front d’Italie, de plus de 300 km, l’offensive Broussilov, en Russie et en Autriche-Hongrie, obtient d’abord des résultats spectaculaires. Les trois premières lignes de défense adverses sont enfoncées, les prisonniers autrichiens et hongrois sont près de 300 000 au bout d’un mois. L’effet de surprise, les opérations militaires menées parallèlement par l’Autriche contre l’Italie expliquent largement cet effondrement austro-hongrois. En toute hâte, les Allemands doivent prélever des réserves sur le front occidental pour venir au secours de leurs alliés.
Seul soulagement temporaire pour les Alliés : l’entrée en guerre à leurs côtés, à la suite du traité de Bucarest du 27 août 1916, de la Roumanie, restée neutre en 1914. En contrepartie de sa participation au conflit, la Roumanie recevrait la Transylvanie et plusieurs autres territoires pris à la Hongrie. Avec ses 650 000 hommes, l’armée roumaine avait acquis une bonne réputation à la suite de ses succès contre les Bulgares lors de la seconde guerre balkanique de 1913, mais elle restait mal équipée. Serait-elle
entrée en guerre quelques mois plus tôt, au moment du succès de l’offensive Broussilov, qu’elle aurait pu, sans doute, affaiblir considérablement l’Empire austro-hongrois – peut-être même provoquer sa chute.

Le 27 août 1916, il est trop tard : Broussilov n’a pas réussi à exploiter sa victoire initiale ; des troupes allemandes, dirigées par Falkenhayn, sont envoyées au secours des Austro-Hongrois. Une force conjointe formée de Bulgares et d’Allemands franchit la frontière méridionale de la Roumanie, sur le Danube, et marche sur Bucarest. La ville tombe le 6 décembre 1916.

Sur le front oriental comme dans les Balkans, les espoirs des Alliés laissent place, en cette fin d’année, à la désillusion. Avec l’occupation militaire allemande, sous la direction du général August von Mackensen, les Puissances centrales mettent la main sur les ressources naturelles de la Roumanie : une abondante
production de céréales et, surtout, des exploitations pétrolières.

Les Russes ont pu s’imposer en territoire ottoman et ainsi stopper le génocide de la population arménienne. Le soutien russe à la résistance de Van a débutée le 20 avril 1915, lorsque les troupes ottomanes assaillirent les quartiers arméniens de la ville. Le 28 avril, le général Nikolaï Ioudenitch ordonne aux armées impériales russes de secourir
les Arméniens de Van. Après cinq semaines de combats acharnés, les troupes russes venues de Perse entrent dans la ville mettant en fuite les troupes turques. Ils sont suivis les 23 et 24 mai des forces russes venues de Russie. Ils découvrent les cadavres de quelque 55 000 civils arméniens massacrés.

sur le front africain des colonies allemandes sont passées sous contrôle des alliés, mais d’autres sont tombées aux mains des allemand ; l’Allemagne a déclaré la guerre au Portugal.


Conclusion de l’année 1916
Fin 1916, aucune des tentatives de forcer l’avantage d’un côté ou de l’autre de la ligne de front n’a abouti. Les attaques sont mieux coordonnées entre Alliés, mais sans résultat concluant.
L’Europe et ses colonies s’enfoncent dans une guerre qui dure maintenant depuis plus de deux ans. Les batailles elles-mêmes s’étirent dans le temps, sans objectif précis, ne ressemblant plus au modèle classique qui prévalait encore à la fin du XIXe siècle : affrontement entre deux armées sur un espace relativement réduit ( le champ de bataille ) et dans un temps limité. Cette « mort des batailles », si caractéristique de
l’année 1916, s’accompagne d’une forme d’usure qui pèse d’abord sur les combattants, mais gagnera bientôt les fronts intérieurs en 1917-1918.

sources net :
Cf. R. Prior, « 1916. Batailles totales et guerre d’usure », J.
Winter (dir.), La Première Guerre mondiale. T. I coordonné par
A. Becker, Fayard, 2013, pp.103-126.
2. Cf. G.Krumeich, S. Audoin-Rouzeau, « Les batailles de la
Grande Guerre », S. Audouin-Rouzeau, J.-J. Becker
(dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, 1914-1918, Bayard,
2004.
3. J. Keegan, Anatomie de la bataille, rééd. Perrin, 2013.
4. Cf. K. Jeffrey, 1916. A Global History, Londres-New York,
Bloomsbury, 2015, chapitre 8 (« The War in Africa »)
5. Cf. A. J. Barker, The Neglected War : Mesopotamia, 1914-
1918, Londres, Faber and Faber, 1967

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