Nathalie Solence – Le coup de coeur musical de Pierre Thevenin

Je vous parle d’un temps (pas si révolu que ça, Dieu merci !)…

Dans les années 60, il y avait les yéyés (avec « Salut les copains » : la radio et le magazine). Des trente glorieuses où les ados avaient les moyens d’acheter des disques et draguaient sur la plage en écoutant l’émission mythique de Frank Ténot et Daniel Filipacchi.

Mais il y avait également une autre mouvance chansonnière, courant sur les années 50 et 60, la rive gauche (qui investissait les MJC, très nombreuses à cette époque, et les cabarets parisiens situés sur le côté gauche de la Seine, d’où le nom). Là, pas de baisers sur le sable mais un credo libertaire (qui a contribué à l’avènement de Mai 68) et l’expression de sentiments infiniment plus profonds.

Nathalie Solence est une figure incontournable de cette dernière veine. Elle entretient de belle façon la tradition de la rive gauche dont les lieux se comptent maintenant sur les doigts d’une main. Elle n’est pas la seule, heureusement : à l’occasion de mes débuts sur « le dix vins blog », j’ai consacré un coup de cœur à un dénommé Michel Grange qui se produit à nouveau depuis qu’il a pris sa retraite de conseiller chanson pour le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Et puis des artistes comme Bernard Joyet, Gérard Morel ou, avant qu’il ne se donne la mort, Allain Leprest (et j’en passe et d’aussi talentueux) perpétuent également cette chanson d’expression (plutôt que chanson à texte : chez Sheila aussi, il y avait des paroles).

La discographie de Nathalie se compose de 8 albums. Avec des incursions dans l’univers de ses collègues : toute une galette consacrée à (ses) « Amis de la rive gauche » où l’on trouve des noms comme Brassens ou Pierre Louki et d’autres qui n’ont pas connu la même carrière. Et aussi un certain Jacques Serizier avec qui elle a fait un bout de chemin dans l’existence : deux albums entiers lui sont consacrés, l’un où elle interprète les chansons de Jacques et l’autre avec ses propres créations qui célèbrent la mémoire dudit.

Mais tout d’abord quelques mots sur la chanteuse. Autrice talentueuse, excellente musicienne puisqu’elle a signé, non seulement un certain nombre de compositions, mais aussi des arrangements. Et Nathalie, c’est d’abord une voix : un brin mystérieuse, un timbre qui semble venir de loin, qui m’évoque les tableaux impressionnistes.

L’album « Dans la maison blanche » date de 1995 . Soit un an après la disparition de Jacques Serizier. Avec des chansons pour tenter de faire son deuil, comme on dit :

Nathalie Solence et Jacques Serizier

Elle ne parvient pas à se persuader qu’il s’en est allé sans retour. Phénomène bien connu de tous les veufs de fraîche date. Surtout le matin, au réveil.

On pourrait juger bizarre, voire incongrue, l’utilisation, dans la chanson intitulée « Chemin de croix », d’un cantique, venant de quelqu’un qui est profondément anar et donc athée (mais tonton Georges lui-même a-t-il hésité à utiliser la Trinité comme personnage poétique ?) :

« Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau « 

Puis :

Tu souffris ta passion tu fus mis au tombeau »

En respectant scrupuleusement la musique du cantique.

Et en 2015, Nathalie a enregistré, ainsi que je l’ai écrit un peu plus haut, toute une galette (19 titres) de créations du même Jacques Serizier. Des textes engagés : sur la guerre, le « grand remplacement « (un vrai, pas celui dénoncé par notre Rat) des Européens sur le continent américain. Les Sioux entretenaient avec les bisons une relation écolo, tout à fait équitable et au bout d’un siècle, à cause, entre autres choses, de la réduction de ce garde-manger sur pattes, il restait environ 10 % d’autochtones outre Atlantique. Buffalo Bill et consorts tuèrent le plus de bêtes qu’ils purent, privant ainsi la population locale de sa principale ressource alimentaire. C’est pourquoi la chanson s’appelle « Les bisons « .

Et dans les textes sans prises de position directement politiques, pas de première boum mais des chansons éminemment poétiques, humainement engagées :

Je passerai rapidement sur l’album «Mes amis de la rive gauche » où l’on retrouve Jacques Serizier en compagnie de Jehan Jonas (voir coups de cœur des 21 novembre et 19 décembre 2015) et Jean Arnulf, pour ne citer que les plus connus après Brassens et Louki.

Et venons-en maintenant aux œuvres 100 % Nathalie (avec, au début des années 2000, la présence toujours plus affirmée, d’un certain Claude Gaisne à la guitare, à la composition et aux arrangements. Un pistonné!). Des textes on ne peut plus poétiques :

Ou encore, sur la disparition passée inaperçue d’une voisine :

Et, mêlant la politique et l’amitié :

Pour conclure, je voudrais citer quelques lignes d’un hommage rendu à notre artiste par Serge Le Vaillant, présentateur, sur France Inter, de l’émission nocturne « Sous les étoiles exactement » :

« Vos chansons sont à votre image : pures, sincères, généreuses, cristallines ainsi que l’exige la vérité. J’aime votre écriture qui cerne et qui capte l’universel et qui sert des causes souterraines si évidentes sans causer la moindre aigreur et qui encourage toujours l’espérance. Les mélodies que vous fredonnez, l’air de rien mais ça n’est pas rien dans votre cœur, appartiennent à notre quotidien. Votre voix est celle d’une sœur sublime qui nous permet de mieux affronter la nuit et le néant. »

À propos de radio, j’ajouterai que Nathalie Solence et Claude Gaisne animent une émission sur Radio Libertaire (sans Dieu, sans maître et sans pub !), intitulée « Faites-nous des chansons » (un titre emprunté à Anne Sylvestre), le premier jeudi de chaque mois, de 12 heures à 14 heures.

Il ne me reste plus qu’à vous indiquer les moyens de commander les albums :

https://nathaliesolence.fr/boutique/

ou par mail : nathasolence@gmail.com

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