
Quand un » blockbuster « , de surcroît un » swashbuckler « est bon, il ne faut pas bouder son plaisir ! Encore moins quand il s’agit de Zorro !
Si un jour de 1975,en manque de la série, j’avais vu ce film plutôt que l’affreux navet de Tessari avec Delon, j’aurais repris mon masque avec enthousiasme, car nous sommes tous des Zorro en puissance si nous savons trouver la voie et maîtriser la Force.
Les prénoms s’échangent, le père se nomme Diégo, le fils spirituel Alexandro et l’ex-Zorro endosse la défroque de Bernardo (1). L’habit jadis taillé pour un seul homme, est désormais une enveloppe vide, un symbole !
L’aristocratie de naissance, tout comme dans » Titanic » de Cameron sorti la même année, est ici fustigée alors que Diégo en combattait l’Aigle et Monastorio défendait les privilèges des » haciendados « ..

Dans le passage secret, on emprunte au fantôme du Bengale le mythe de l’immortalité, le témoin ne se passe pas de père en fils mais de maître à initié. Nous sommes dans une chambre de Shaolin faisant du cercle combiné avec le feu une figure dominante. En Don Diégo, tout vêtu et botté de noir, cigarillo aux lèvres ,verre de vin californien à la main, se confondent les fonctions sacerdotales et guerrières des civilisations traditionnelles. Il est maître Yoda et Obi wan Kenobiet quarante ans plus tard » Le zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc » eût pu l’inspirer. Comme le véritable sage, il sait dissimuler la force sous les humbles habits du serviteur Bernardo .
Eh oui…on ne devient pas Zorro du jour au lendemain,il faut attendre 1h 25 pour voir Antonio Banderas vêtu de pied en cap. Au début, il s’affuble de guenilles, loupe son cheval, détale devant l’ennemi…
Walt Disney ne fit pas revenir Monastorio, trop populaire auprès du public. Si on peut comprendre la fascination exercée par le commandant, il faudrait être sacrément tordu pour aimer le capitaine Harisson Love (sic) ce cruel nazi collectionneur de têtes qui arbore la blonde crinière du général Custer (même si on peut voir un zeste d’humour dans cette eau-de-vie où fermente le crâne d’un mort).
Cette excessive cruauté qui, loin d’approfondir le personnage, le décrédibilise, est tempérée par la relative humanité du gouverneur Rafaele qui semble éprouver de réels sentiments paternels pour Catherine Zeta Jones. Celle-ci,d’ailleurs, opère un virage affectif de 180° peu vraisemblable quand elle apprend que Rafaele n’est pas son père biologique…Mais fi de la psychologie !
La règle veut désormais qu’un décor soit complètement détruit en un rageur jeu de massacre. Zorro, lors de sa première apparition maladroite ,saccage de fond en comble la chambrée des soldats, utilise le canon à cet effet et cogne à coups de boulets sur la tronche d’un émule de » jaws » ….

On n’aime pas voir son héros convoler en justes noces sur fond de soleil couchant, surligné par une chansonnette sirupeuse, quand le prologue nous avait habitués à un thème musical hispanico-lyrique parfaitement adapté aux envolées » fairbanksiennes » de Zorro. C’est pourquoi le second volet » La légende de Zorro » montre que loin de mettre un terme à l’aventure le mariage la prolonge !! Dans cet opus, le spectateur n’est pas trop dépaysé quand il voit la Californie ratifier son rattachement à l’union par un referendum constitutionnel. L’intervention de Zorro évite au peuple de voter trois fois pour obtenir le résultat attendu par ses dirigeants. Regrettons encore la présence d’un méchant croquemitaine et un train de 1830 devenu réplique du TGV de » Mission Impossible « …

C’est Zorro chez Barnum avant qu’il ne triomphe aux Folies Bergères, une attraction de Frontierland….Pourquoi pas ?..Que ceux qui n’ont jamais emmené leurs gamins à Disneyland jettent la première pierre..
(1)Tout zinzin de Zorro doit lire le merveilleux bouquin de Martin Winckler » Le rire de Zorro » publié en 2005 aux éditions BAYARD.