Serge Granjon : Saint-Etienne sous le second Empire – Le Casino Lyrique 15


Les rayons du couchant

Faure Belon

Sentinelle impossible, le maire Faure-Belon veillait au grain. Il persista dans son refus de voir le Casino, même à titre temporaire, redevenir café-chantant; Car il était par principe opposé aux  » cafés à spectacles exerçant une fâcheuse influence sur les populations ouvrières qui ont le plus grand besoin de ménager le fruit de leur travail pour ne pas manquer du nécessaire. « 

Bien que méfiant à l’égard de  » ces lieux publics qui par leurs séductions, portent, souvent le trouble dans les familles « , le maire donna son accord pour un spectacle, le jeudi 11 octobre 1860 et les jours suivants. Mieux valait après tout caramboler les boules que bousculer entre conjoints. De 8h à 11h du soir furent proposées  » des séances extraordinaires de billard  » par un enfant de neuf ans et demi, qui en avait donné 120 autres  » dans les premiers établissements de Paris et dans les cercles des principales villes de France « . il défiait tous les amateurs avant de présenter  » les coups les plus excentriques du billard « .

BAROUDS D’HONNEUR

Le dimanche 9 décembre 1860, advint l’avant-dernière représentation qui par un heureux hasard, convenait aux moulures à l’orientale des lieux :  » Les maures du mont Atlas « . Etaient promis  » audace, force et agilité  » mais faute d’espace aucune fantasia sur des chevaux fougueux.

C’est une tout autre audace qu’Octavien Jenselme, le directeur du théâtre, dénonçait au maire le surlendemain. il s’estimait victime d’une  » déloyale machination  » . L’oncle Thévenet, patron du Casino, et lui-même s’étaient mutuellement engagés à y donner les bals du carnaval, aux conditions de l’année précédente.

Or le tenancier de la Rotonde Saint-Charles venait de proposer à Octavien Jenselme 5000 francs pour la cession de ses droits. Alléché par l’offre alors qu’il se trouvait au bord de la faillite. Jenselme était sur le point d’en signer le traité, lorsqu’il reçut sans plus de façon 2200 francs de Thévenet, qui voulait seul exploiter le bal masqué. Alors, tel neuveu, tel oncle ?… Selon Jenselme, il avait en fait agi de connivence avec l’entrepreneur de la Rotonde pour acheter à vil prix le privilège qui lui était réservé, en tant que directeur du théâtre.

Comme un cadeau empoisonné, le maire lui apporta son soutien, tout en lui rappelant la nécessité de remplacer le cornet à piston et la deuxième clarinette, qui jouaient dans l’orchestre d’une façon lamentable. Il ne lui en coûterait que 150 francs par mois…autant dire une fortune pour l’impécunieux Jenselme.

Alors, cette ultime saison, il n’y eut pas de bals masqués au Casino. Mais après tant de rebondissements, pouvait-on se douter que le spectacle suivant serait le tout dernier ? Il eut lieu le dimanche 6 jénvier 1861 :  » Grande lutte d’hommes, et assaut général de pointe, contre-pointe, canne, bâton, boxe anglaise et française, excercice de haute-force, etc, donné par M.Colombett, fils de l’x-fondateur des arènes de Lyon, avec la concours des premiers maîtres civils et militaires de Saint-Etienne. Un artiste distingué, sortant du Cirque-Impérial de Paris, remplira les intermèdes de ce brillant assaut « 

Il retentit comme une mise à mort : le Casino lyrique, qui chavirait déjà, allait sombrer corps et biens.

1898 Le Casino Lyrique devient le premier  » Casino  » de Geoffroy Guichard

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