Serge Granjon : Saint-Etienne sous le second empire – Casino lyrique 7



SUR FOND DE PROCÉDURE

Il était apparu en ombre évanescente, juste assez cependant pour fixer dans la durée les traces du fugitif : Un théâtre provisoire aux Ursules et puis un casino mauresque, au goût du moment, dont sa femme réclamerait saisie et adjudication.

Jules Exbrayat

Le temps de rêver encore la rénovation des quartiers Saint-André et des Gauds ( vers le futur cours Victor-Hugo ), et l’architecte Exbrayat laissa son oeuvre stéphanoise : il mourut à 48 ans, le 23 avril 1857. Lui rendant hommage, un journal lyonnais évoqua  » Le théâtre de Saint-Etienne. Cette dernière construction valut à notre regretté compatriote un immense succès, qui l’obligea à ouvrir un cabinet dans cette ville. Rien ne laissait supposer à ses amis la triste fin de la maladie qui l’a enlevé « . Ni d’ailleurs que sa veuve, en son nom et en celui de ses filles mineures, réclamerait la vente du Casino Lyrique…

IL ressortit des comptes que la faillite des époux Thévenet remontait au 18 novembre 1856, soit six mois seulement après l’ouverture de l’établissement. Et, parmi leurs créanciers, figurait l’architecte. Une bonne créance, dit-on devient mauvaise quand on la laisse dormir. Alors, lasse d’attendre, Marguerite-Flavie Exbrayat, près d’un an après la mort de son mari, intenta un procès aux anciens propriétaires et, curieusement, ainsi qu’à leur syndics, comme s’ils étaient de connivence.

Initialement prévues le 14 avril 1858, les enchères s’ouvrirent sur une mise à prix de 30000 francs, pour l’immeuble et ses dépendances, pour une surface de 550 m2.

L’ensemble, éclairé de vitrages formant des cintres de diverses sinuosités, comportait, au rez-de-chaussée, une salle de chant spacieuse, luxueusement ornée, une vaste salle de billard, un laboratoire de limonadier avec annexe.

Au sous-sol, avoisinant les caves, enterrée comme une casemate, se dissimulait une officine de bière. Entre chaudières et caves, Joseph Thévenet veillait à la fermentation. C’en fut bientôt une autre qui agita les esprits municipaux. Quoi qu’officiellement dépossédé de l’établissement depuis la saisie du 4 janvier 1858, au profit des syndics de la faillite, l’ex-tenancier opérait en sourdine. Il avait reçu à la fin février cet avis du maire ; La concession lui étant jusqu’alors accordée du trop-plein de la fontaine rue de la Bourse, lui serait retirée le 15 mars.

Or deux mois après, jour pour jour, le maire écrivait au commissaire de police central :  » Dans la nuit du 10 au 11 courant le sieur Thévenet s’est permis, sans en avoir obtenu l’autorisation, d’amener avec des tuyaux l’eau de la fontaine de la rue de la Bourse dans la brasserie qu’il a établie au Casino. Je vous prie de vouloir lui donner des ordres pour que cette manoeuvre soit surveillée et pour que le délit soit constaté s’il se reproduit.  » L’homme, habile à pêcher en eau trouble, brassait ainsi doublement : la bière…et les affaires.

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