Serge Granjon : Saint-Etienne sous le second empire – Casino lyrique 2

Un temple de la danse

Vers la fin de l’année 1856, un acrobate dit  » l’homme au caoutchouc  » multipliait sur la scène du Casino culbutes et cabrioles. Elles charmèrent tellement le public que la prêtresse du lieu le fit s’ébattre en galipettes friponnes.

Pour mesurer l’instant d’un temps précieux qui passe, M.Peyrot, un génial inventeur, fut prié d’installer au Casino Lyrique deux de ses curieux cadrans. Des électro-aimants s’y trouvaient alimentés par le courant d’une pile placée dans ses ateliers du 9 de la rue Saint-Louis ( rue Gambetta aujourd’hui ). De là une horloge-type transmettait l’heure aux aiguilles fixées sur les cadrans, qui sautaient de minute en minute.

Le système fonctionnait déjà au bureau des omnibus sur la place royale, et aux usines de M.Verdié à Firmimy, pour sa plus grande satisfaction. Après Gand, Lille, Marseille…Saint-Etienne et son Casino lyrique, parmi les premiers du monde, se dotaient d’horloges électriques, avec sonneries fonctionnant de même.

Électrique aussi devint l’ambiance, la nuit du samedi 3 janvier 1857, qualifié de  » bonnes et joyeuses fêtes « . Elle inaugurait l’époque du carnaval et de ses bals masqués. A défaut d’un déguisement complet, les loups satin et velours de rigueur laissaient percer de ténébreux éclairs dans les prunelles du beau sexe.

L ORCHESTRE ET SES CRINOLINETTES

Si au début de la soirée la scène transformée en piste de danse trouva la jeunesse huppée passablement guindée, la qualité de l’orchestre et les dernières nouveautés du répertoire de Johann Strauss suffirent à rompre la glace. Les redoutables Bacchantes de profession, qui pirouettaient et tournoyaient sans trêve, entraînèrent l’assistance dans un tourbillon de jupes et de basques.

Manquaient encore quelques instruments lourds pour mieux frapper la mesure et éviter les contretemps selon un chroniqueur. Il rappela le rendez-vous du samedi suivant aux  » chercheurs d’intrigues, amoureux en disponibilité, maris ennuyés «  et bien sûr à  » Mesdames, que le plaisir n’effarouche pas « . Et il put s’estimer satisfait du samedi 10 janvier 1857 : la batterie de l’orchestre affirmait sa présence, et les loups féminins accouraient, plus nombreux,  bravant de voluptueuses fatigues. Dès lors la valse, d’une semaine à l’autre, s’épancha en de furieux torrents. Un rien de temps y suffit : passer ses soirées au Casino lyrique s’imposa comme une obligation à tout ce que Saint-Etienne comptait d’héritiers fortunés.

A l’approche du mardi gras, étincelèrent dominos et tenues fantastiques. Et les  » crinolinettes  » au service de l’archeste, plus que jamais se firent crinolantes. Quant au chef de cet orchestre, il avait composé  » le carillon stéphanois  » . Un morceau apprécié dont les clochettes résonnaient aux oreilles des gambilleurs à la façon d’un signal : celui du ralliement à la Fête Impériale.

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