Destin de femmes – George Sand (1804 – 1876) – Une femme de passion

George Sand (1804 – 1876)

2 mai 1832, parait un roman intitulé « Indiana » que saluent les critiques littéraires parisiens. La trame en est la critique de la vie bourgeoise sous le règne de Louis-Philippe. Son auteur ? Un inconnu du nom de George Sand. En réalité George s’appelle Amantine Lucile Aurore Dupin, et deviendra l’une des figures majeures du romantisme français, dont elle incarne les idéaux et les combats. Georges Sand, une écrivaine témoin de son époque, une républicaine engagée, une passionnée à la tête froide qui place sa liberté au-dessus de tout le reste. Une femme moderne, fascinante et libre !

Aurore Dupin Delaborde

George Sand, baptisé Aurore Dupin Delaborde, nait le 5 juillet 1804 à Paris. Elle est le fruit d’une mésalliance entre Maurice François Dupin de Francueil, aristocrate de haute naissance, officier de cavalerie, et arrière petit-fils roi Auguste II de Pologne, et Sophie Delaborde, pauvre couturière, fille d’un vendeur d’oiseaux. En 1808, alors qu’Aurore n’a que quatre ans, son père tombe du cheval qu’il montait et meurt des suites de ses blessures.

le manoir de la famille Nohant

Très vite, Madame Maria Aurora de Saxe, sa grand-mère paternel la sépare de sa mère qu’elle n’a jamais accepté : Hors de question que sa petite-fille unique soit élevée par une roturière intrigante. Elle décide donc que l’enfant vivra prés d’elle dans le manoir de la famille Nohant, dans le comté de Berry.

Aurore Dupin passe son enfance à Nohant (l’endroit qu’elle disait le plus aimer au monde) auprès du précepteur qui s’était auparavant chargé de l’éducation et de l’instruction de son père. C’est ce tuteur qui l’a incitée à porter des vêtements pour hommes, car ils étaient plus confortable pour marcher et de sauter à travers champs. La jeune fille monte aussi seule à cheval, ce qui à l’époque ne se faisait pas, et étudie l’anatomie et la chirurgie.

Elle a 13 ans (1817), lorsqu’elle émet le souhait d’aller vivre avec sa mère à Paris, Mais sa grand-mère s’y refuse et l’envoie finir ses études dans un couvent anglais de la capitale. Elle y restera trois ans qu’elle a apprécié.

Aurore a tout juste dix-huit ans lorsqu’elle décide d’épouser le baron Casimir Dudevant, de six ans son ainé. Les jeunes mariés n’ont rien en commun : elle est passionnée, extravertie ; lui, terne et ennuyeux. Très vite, malgré deux enfants ( Maurice 1823 et Solange 1828 ), le mariage bat de l’aile et entre liaisons et explications orageuses, le couple finit par se séparer en 1830, sans toute fois divorcer. Début 1831, Aurore Dupin s’installe avec ses deux enfants à Paris, et accompagnée de son amant Jules Sandeau, de huit ans son cadet.

C’est au début des années trente, sous l’influence de son amant que la jeune femme se met à l’écriture et publie le 2 mai 1832 son premier roman Indiana, sous un pseudonyme masculin qui deviendra son nom de plume : George Sand (Sand en hommage à cet amant qui lui a ouvert le chemin de l’écriture). Bien que relatif le succès est là, et la même année parait un deuxième roman « Rose et Blanche » l’histoire de deux jeune fille aux vies opposée qui rêvent un instant de vivre la vie de l’autre…

Aurore Baronne Dudevant, alias Georges Sand, entame alors la période la plus scandaleuse mais aussi la plus féconde intellectuellement de sa vie. Elle écrit à quatre mains avec son jeune amant Jules Sandeau plusieurs nouvelles qu’ils publient en 1831, sous le pseudonyme de « Georges Sand ». Contre l’avis de nombreux écrivains de l’époque qui lui conseillent gentiment de se consacrer à sa famille (et de  » faire des enfants « ) plutôt qu’a l’écriture, Aurore devenu George se fait engager comme chroniqueuse au journal  » Le Figaro  » et collabore également à « La Revue des Deux Mondes » . Révolutionnaire, républicaine ses prises de positions sont en total décalage avec sa condition sociale : n’oublions pas qu’elle reste Baronne Dudevant !

Mais que lui importe, le combat politique et la lutte pour le droits des femmes sont pour elle essentiels. Elle n’oublie pas que femme célibataire, mère de deux enfants ses libertés restent très restreintes. Elle n’en a cure et mène sa vie comme elle l’entend, se promenant en tenue d’homme dans les rues de la capitale, multipliant, à l’instar des hommes les conquêtes, fumant le cigare et se rendant au théâtre seule et tant pis pour « le quand dira-t on » ! Vêtue d’une longue redingote avec un pantalon et un gilet, un chapeau et une cravate en laine, Georges Sand, peut ainsi passer pour un homme et arpenter les rues de Paris sans etre accompagnée ce qui pour une  » dame  » de sa condition était totalement proscrit !

Avec le temps, elle s’ouvre à d’autres horizons, délaisse la bourgeoisie louis-philipparde vaine et oisive et découvre le monde ouvrier. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire entre-temps huit romans en 3 ans !

Pierre-Henri Leroux

Sa rencontre avec Pierre-Henri Leroux, théoricien du socialisme, éditeur et homme politique l’amène à découvrir le monde ouvrier mais aussi a prendre conscience de l’importance de l’éducation du peuple. De 1841 à 1848, George Sand et Pierre Leroux publient le mensuel parisien : La Revue indépendante. Sand et Leroux travaillent sans rémunération et manquent parfois d’argent pour publier régulièrement leur revue qui défend la démocratie et la liberté de la presse. Mais la Revue finit par connaitre un grand succès auprès du public ce qui permettra sa parution régulière. Puis, jugeant leur Revue Indépendante trop modérée ils créent ensemble La Revue sociale qui promeut des poèmes et des chansons d’ouvriers et publie nombre d’articles sur le phalangisme et le fouriérisme affirmant ainsi la nature socialiste de la revue.

Parallèlement Sand rédige aussi des textes pour le journal La réforme, crée en 1843 par Louis Blanc (journaliste et historien, futur membre du gouvernement provisoire) et Ledru-Rollin (Membre du futur Gouvernement provisoire), qui défendent le suffrage universel.

D’ailleurs en cette année 1848, George Sand fait l’objet de nombreuses caricatures peu élogieuses dans la presse ; elle fait peur à certains hommes politiques car c’est une femme engagée en politique et qui plus est, socialiste. Les évènements du 22 au 25 février 1848, voient le retour de la République avec la mise en place d’un gouvernement provisoire, que l’écrivaine soutient avec enthousiasme. Georges Sand devient même la voix de la République, en écrivant les Bulletins de la République ou elle défend dans un texte lu de tous des idées telles que le droit à l’insurrection.

Malheureusement la révolution de 1848 et le gouvernement provisoire ne sont pas encore, hélas, prêts à accorder le droit de vote aux femmes ce qui fait écrire à Sand cette lettre adressée au Comité central de la gauche républicaine, en mars 1848 :

 » Les femmes doivent-elles participer un jour à la vie politique ? Oui, un jour, je le crois avec vous, mais ce jour est-il proche ? Non, je ne le crois pas, et pour que la condition des femmes soit ainsi transformée, il faut que la société soit transformée radicalement. […] Quelques femmes ont soulevé cette question : pour que la société soit transformée, ne faut-il pas que la femme intervienne politiquement dès aujourd’hui dans les affaires publiques ? J’ose répondre qu’il ne le faut pas, parce que les conditions sociales sont telles qu’elles ne pourraient pas remplir honorablement et loyalement un mandat politique. La femme étant sous la tutelle de l’homme et dans la dépendance de l’homme par le mariage, il est absolument impossible qu’elle présente des garanties d’indépendance politique. […] C’est une des premières questions dont la république socialiste aura à s’occuper […] à moins qu’on ne regarde l’égalité comme une condition de désordre et de discorde.  » Georges Sand.

Mais l’espoir de cette Deuxième République, déjà mis à mal par l’élection présidentielle qui voit Louis-Napoléon Bonaparte etre élu, s’effondre lorsque pour garder le pouvoir (Bonaparte arrive à la fin de son mandat de quatre ans) le président organise un coup d’état et devient sous le nom de Napoléon III, le nouvel empereur des français… Pour Georges Sand c’est la fin de son combat politique, elle décide de se retirer dans son Berry Natal pour y vivre auprès de sa famille.

Nohant…Le Berry, l’endroit que l’écrivaine aime le plus au monde, celui ou elle se ressource, se retrouve…Toute sa vie Georges Sand restera attachée au château de son enfance et à son Berry natal. Aussi, après les 1848, elle décide tout naturellement de rentrer à Nohant ou durant les années qui suivent elle se consacre au théâtre : Claudie et Le Mariage de Victorine sont des succès. Pour autant elle n’oublie pas ses amis républicains poursuivis ou exilés pour lesquels elle demande à l’Empereur et à son entourage indulgence et remises de peine.

Avec son nouvel et dernier amant Alexandre Manceau, elle voyagera en Italie, puis en Auvergne et à Toulon avant de s’installer à Palaiseau (1864), son fils Maurice et son amant ne s’entendant plus, mais un an plus tard la mort de Manceau et en janvier 1866 la naissance d’une première petite-fille, Aurore, la ramène à Nohant. Elle fera quelques voyages chez son ami Flauvert (à Croisset), avec qui elle entretient une riche correspondance. En 1868, nait Gabrielle sa seconde petite-fille. C’est depuis sa retraite berrichonne que Sand assiste à l’occupation et aux évènements de la Commune en 1871 dont elle ne comprend pas la violence.

Gabrielle et Aurore les petites filles de Georges Sand

Durant les dernières années de sa vie, Georges Sand reste à Nohant dans son Berry chéri elle écrit moins et se consacre davantage à ses deux petites filles pour lesquelles elle écrit en 1873, les Contes d’une grand-mère, dont la première série paraît le 15 novembre de la même année. Le 8 juin 1876  George Sand rend son dernier soupir dans sa maison de Nohant ; elle est inhumée dans le cimetière familial. C’est Victor Hugo, avec qui elle correspondit de longues années, sans jamais l’avoir rencontrer, qui écrivit alors l’éloge funèbre qui fut lu aux obsèques de George Sand à Nohant le 10 juin 1876 et débute ainsi : « Je pleure une morte, et je salue une immortelle. Je l’ai aimée, je l’ai admirée, je l’ai vénérée ; aujourd’hui dans l’auguste sérénité de la mort, je la contemple.« 

Quelques jours après sa mort paraissent ses derniers romans : La Tour de Percemont et Marianne, quelques mois plus tard la seconde série des Contes d’une grand-mère.

« La postérité répétera nos noms comme ceux de ces amants immortels qui n’en ont plus qu’un à eux d’eux, comme Roméo et Juliette, comme Héloïse et Abélard »Afred de Musset a George Sand

De l’été 1833 à l’hiver 1835, Georges Sand et Alfred de Musset vont vivre l’une des plus flamboyante histoire d’amour et de passion de l’histoire de la littérature. Ces deux êtres passionnés, tourmentés, fusionnels vont s’aimer, se déchirer, se séparer, se reprendre et s’aimer encore de Paris à Genève en passant par Nohant !

Aurore a trente ans, l’auteur de Lorenzaccio vingt-trois. Le jeune dandy tout comme elle est issu de la noblesse française, tout comme elle, a défaut d’etre riche il est célèbre. Ces deux-là ont un commun l’amour de la littérature, le gout de la liberté et du scandale, le refus des normes de l’époque ! De plus il se vouent amour et respect mutuel. Un amour quasi mystique, une quête d’absolu mais aussi une propension à la dépression et à la mélancolie surtout chez le jeune Alfred. Ces deux là vont s’aimer quasi à en mourir ! De cette passion amoureuse reste l’une des plus belle correspondance d’amour du romantisme français…Et puis, biensur il y a ces lettres codées et enflammées au travers desquels les amants se déclarent leurs désirs les plus secrets…

La plus célèbre reste sans doute celle-ci :

Je suis très émue de vous dire que j’ai
bien compris l’autre soir que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
là une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à vous montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir aussi
vous dévoiler sans artifice mon âme
toute nue, venez me faire une visite.
Nous causerons en amis, franchement.
Je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l’affection
la plus profonde comme la plus étroite
amitié, en un mot la meilleure preuve
que vous puissiez rêver, puisque votre
âme est libre. Pensez que la solitude où j’ha-
bite est bien longue, bien dure et souvent
difficile. Ainsi en y songeant j’ai l’âme
grosse. Accourez donc vite et venez me la
faire oublier par l’amour où je veux me
mettre.

De George à Alfred

Les amants terribles partent pour Venise à Noel 1833 et s’installent à l’hôtel Danieli, mais Musset ne change pas ses habitudes de dandy débauché et passe ses nuits dans les bordels et les cabarets, tandis que George se morfond à l’attendre. Le jeune poète contracte une fièvre cérébrale, il est soigné par un jeune médecin Pagello avec qui Georges Sand a une liaison. Ensemble ils veillent et soignent Musset, mais ce dernier découvre la trahison de son amante et rentre à Paris. Alors que la rupture semble consommée Sand réapparait avec son amant italien et le trio amoureux se fait et se défait. Très vite la passion renait entre Georges et Musset et Pagello éconduit rentre en Italie. A nouveau, les amants terribles se réconcilient, se déchirent, se séparent. Cette passion les dévore et les détruit. En 1835, ils se quittent enfin. À la mort de Musset en 1857, Georges Sand, se rappelle les passions du passé dans deux livres qu’elle publie «Histoire de ma vie» et «Elle et Lui».

Sand et Chopin

Parmi les autres nombreux amants de Georges, il y a biensur sa liaison de dix ans avec le compositeur polonais Frédéric Chopin, une liaison loin de la fièvre d’avec Alfred : elle est plus une mère pour chopin malade qu’une amante passionnée, et bien que leur liaison fut tourmentée, elle restait plus sereine, plus mature ; Georges n’étant plus la jeune femme des années 1830, mais une femme d’âge mur, plus posée.

Sources : BNF GALLICA – Wikipédia – Pays de Georges Sand -le petit littéraire – Académie de Versailles et divers autres sites…

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