Almanach Vermot 1922 – Superstitions de marins

On sait que les marins aiment à baptiser leurs bateaux.
Dans la flotte britannique, les navires, généralement sériés, sont prénommés en conséquence. Et c’est ainsi que parmi eux figurait, à un moment donné, toute la famille des serpents.
Or, il advint qu’un destroyer du nom de « Cobra « , se perdit corps et biens dans la mer du Nord. Ce n’était là que le commencement d’une série noire. Un autre destroyer de même classe, la « Vipère « , s’échoua sur les roches des Casquets.
Puis firent naufrage successivement deux  « Lézards », deux « Serpents » et un « Basilic », tant et si bien que l’amirauté dut renoncer à baptiser d’autres bâtiments de noms identiques, aucun matelot ne voulant plus s’embarquer sur de tels « porte-guigne ».
Chose curieuse, la fatalité s’acharna également sur une autre série de bâtiments anglais dont les noms commençaient tous par un T.
En quelques années, on vit disparaître dans des circonstances plus ou moins tragiques, une «  Taupe », un « Tigre », un « Texas », un Titanic… et bien d’autres navires encore…
Mais comme, bon an, mal an, la marine anglaise perd tous les douze mois quelques centaines de navires, la vérité est que le nom n’y est pour rien et que l’on pourrait multiplier à l’infini de tels exemples.

Dans le même ordre idée rappelons une touchante tradition : tous les pays donnent à leurs navires de guerre des noms qui leur sont ou chers ou vénérés. Les Japonais, si fiers de leur marine, qui en peu de temps, s’est faite l’émule de ses aînées, ne manquent pas à la coutume. Et de tous les vaisseaux de guerre, il n’en est point qui ne porte fièrement sur les mers d’appellation plus romantique, par exemple, que « l’Adzuma » qui vint en Europe récemment et dont le nom signifie : «  Ma femme ». Il est chargé de rappeler le souvenir d’une histoire touchante et fameuse que tous les Japonais aiment à raconter.

Il y a quelque dix-huit siècles, l’héritier d’alors au trône du Japon entreprit un voyage de Sagami à Kadzusa. Son épouse, la princesse Tachibana, l’accompagnait. Pendant le trajet, une tempête s’éleva, la mer menaça d’engloutir la barque trop chargée qui portait les passagers. Pour prévenir ce malheur et sauver son mari d’une mort certaine, la princesse se jeta courageusement par-dessus bord. Pendant bien des années le prince ne put se consoler, il avait coutume de grimper fréquemment à la passe d’Ussui, d’où l’on voyait l’endroit de la tragédie.

Tendant les mains vers la mer, il se lamentait : «  O Adzuma, ô Adzuma ! »Après un si long temps révolu, un beau navire rappelle encore au monde le sacrifice de la tendre  et passionnée princesse Tachibana.

Almanach Vermot 1922 - Superstitions de marins

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