Thierry Mathiasin – Tu dis que les racines se nourrissent de cendre…

Tu dis que les racines se nourrissent de cendre et de sang dans ta rage de terre, le mal des jours arrachés à la folie des ombres, aux barreaux des corps où s’épuisent les veines d’un temps pourri. Tu ne parles aux mornes qu’à la nuit venant, non parce que le soleil a rendu les armes, mais parce que ton amour a besoin du silence pour recoudre le lopin des rêves perdus. Ton amante de cascades encore vives, criant entre les parois maculées d’anciennes lumières, creusant par la force de son sexe le souffre des sources impudiques, le chemin des entrailles en rêves de volcan.
Tu épèles toutes utopies logées sous des couches d’histoires défuntes, pour réveiller la liane lascive des terribles germinations. Tout ce qui se passe au creux de ton lit n’a de secrets pour les rivières, même la soif que les malentendus taisent n’éclaboussent ton visage à l’encre des jouissances. Tu t’écorches à énumérer les morts dont personne ne se souvient, à part les squelettes saturant encore la peau des mémoires, où plus rien ne bouge, tragique dans une inhumaine topographie.
Vivre pour toi avait l’allure d’un passage à l’acte, d’une blessure de poème à la boutonnière des mal-aimées, une intranquillité à déployer au-dessus des gouffres la béance des alcôves où l’on forge des récits pour demain.
Tu erres entre le rire et les vestiges, saluant des soldats fantômes avec aux bras des filles de joie, des butins d’aventures ratées quand la lune ruisselle de plaintes comme une plate-forme crevée. Tes oiseaux ne ressemblent plus qu’à des grenades dégoupillées, quêtant l’instant ultime pour exploser, quand bien même les jardins jouent les vierges effarouchées, se donnant à la pluie comme des Danaïdes qui ne se soucient plus d’être noyées dans leur rude labeur.
Tu t’essaies difficilement à tracer des courbes où il n’y a plus que des accidents de surface, des grimaces de gestes, des semblants d’anatomies crucifiées dans leur chute, théâtre d’un champ d’investigations avec pour seule matière le dévoiement.
Tu cherches dans un fatras d’obsessions, l’image revenue des tentatives acharnées à incarner dans un tremblement d’os le cri qui te dispensera des satisfactions tristes, des bavardages incessants sur l’impuissance à agir, le confort des vies pataugeant dans des velléités pornographiques.
Tu ne respires que par les latitudes pour sentir ce qui fait vibrer ta traversée du siècle, les grandes crues par où tes pores réinventent ton île, rame son ardeur pour défendre son bout de ciel, la dense perméabilité de ses saisons, sa verticalité fiévreuse dans des assèchements de toutes sortes, l’injurieux essoufflement de ses ressources dans des postures pathétiques.

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