Il comptait. Tout petit, ses doigts, des deux mains et des deux pieds, le matin et puis le soir avant de se coucher. Plus grand, ses crayons, bien rangés dans la grande boîte pleine de couleurs, ses petites voitures jamais déballées, les sucres emballés, les lettres-nouilles de son potage alphabet, les pétales des fleurs des bouquets. Ses « pacamarades » lui jetaient « pour rire » une poignée de trombones et s’étonnaient de son talent à en donner le nombre presque instantanément. Il en souffrait mais en silence, hésitant entre un destin d’enfant sachant ou de petit singe savant, entre demeurer une attraction de cour d’école ou devenir un génie du calcul mental. Il comptait les brins d’herbe des prés, les fourmis qui y vivaient, les champignons qui y dansaient en rond, les nuages et quelquefois les gouttes de pluie qui en tombaient. Il comptait les feuilles des arbres ; celles qui se détachaient le faisaient toujours pleurer, celles qui poussaient le faisaient souvent rire. Il comptait les hirondelles autrefois nombreuses au ciel et sur les fils. Il comptait les quartiers de ses oranges, les biscuits dans leurs paquets, les frites dans sa portion au McDo et les baisers qu’il envoyait aux passantes étonnées sur le chemin pour s’y rendre. Le nombre constant de points sur les coccinelles le rassurait, comme celui des jours de la semaine ou celui des billes de verre coloré dans leur grand bocal posé sur la cheminée. Toute sa vie. Et puis une nuit il décida de compter les étoiles du ciel…
