
Les éclats de voix des enfants, devenus grands, ne réveilleraient pas la vieille demeure dont les murs avaient tant à raconter pourtant.
Dans la pénombre du salon, je pensais à ma toute petite maman. Il y a encore trois ans, ses belles mains ridées étaient posées comme un souffle sur les accoudoirs du fauteuil, et un sourire flottait sur son visage, heureuse d’avoir « ses deux grands « à la maison.
Je réglai inconsciemment ma respiration sur le balancier de la vieille horloge, laissant mon regard se perdre dans un magma de souvenirs diffus.
C’est alors, que j’entendis la musique. Elle venait du grenier. Je tendis l’oreille.
C’était sans doute mon frère qui avait rallumé le vieux pick-up de la salle de « boum » que nous avions aménagée sous les toits autrefois. Un petit coup de nostalgie … Ce grenier avait été témoin de tant de soirées à refaire le monde au coin du feu, de flirts, de rires, de danses endiablées. Oui.. Elle ne se trompait pas …c’était les Stones : I can get no satisfaction .
N’y tenant plus, sans faire de bruit, je sortis du salon et montai quatre à quatre les marches en bois, lustrées, usées en leur milieu par tous ces pas qui y avaient résonné depuis des générations. Devant la porte toujours recouverte de vieux posters des années « Salut Les Copains », je ressentis la même fièvre qu’autrefois avant d’entrer dans notre repère.
C’est là que tout a dérapé.
Avant que j’aie eu le temps de mettre la main sur la poignée, le lapin d’Alice surgit de la salle, hurlant « I can get no satisfaction » me bousculant au passage. Il disparut dans l’escalier, dans un fracas qui me laissa penser qu’il avait raté une marche.
Il faudra que je dise à Maman de faire attention. Cet escalier est vraiment dangereux.
Dans la lucarne, la lune riait.
Je ne me souvenais pas qu’elle eût de si grandes dents.
« Bonjouir Mademoiselle »
Cet abruti de loup m’avait fait sursauter.
« Rangez donc cette langue, Tex ! Elle traine par terre et je ne suis pas sûre que le ménage ait été fait récemment.
– Oh pardon Mademoiselle ! Parfois je l’ai trop bien pendue, c’est vrai. Voulez –vous bien avoir l’obligeance de me donner votre pointure ?
– C’est quoi cette histoire ?
– Juste une formalité. Pour les patins.
– 37, 2.
– Le soir ? J’aurais cru… Enfin, enfilez- donc ces patins cordiformes. Ils vous glisseront jusqu’ au bal. Faites attention le sol est jonché de haricots, cet imbécile de Jack est passé par là.
– Merci Tex. Vous avez vu mon frère ?
– Oui il est au piano. Il fait un bœuf avec les Aristos. Suivez les petits cailloux blancs. Madame Samovar vous servira un verre au passage. »
Dans la lumière aveuglante des spots, alors que je glissais dans le labyrinthe, je croisai la Bête qui chevauchait une licorne. Elle me tendit un miroir qui m’assura que j’étais toujours la plus belle. Du coup ne me sentant plus de joie, j’ouvris grandes mes ailes et les cloches se mirent à sonner. Une poule qui picorait du pain d’épice sur un mur en carton caqueta « Il est minuit, princesse faudrait te bouger les fesses, si tu ne veux pas que ton avatar se fasse la malle. Le lapin n’a pas mis sa montre à l’heure. »
Fendant l’air, tel un phénix, j’entrai en combustion…
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Mon frère venait de me réveiller en sursaut :
« Dis donc petite sœur, je reviens du grenier, il faudrait qu’on fasse du rangement. C’est un vrai bordel là-haut ».
A la télé, les Stones chantaient « I can get no satisfaction »…
Merci de tout coeur !
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mais c’est moi qui te remercie pour accepter de faire partie de la grande famille du blog et puis tu écris si bien… je t’embrasse
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