Un jour, un poème – Pascal Depresle –

Assis sur ma blanche,
seringué d’une branche,
je regarde passer mon reflet
dans le souffle du vent,
ombres de mes souvenirs
miroirs au gré du courant,
couleuvre lente et verte
qui serpente, reptile,
en méandres de nuits.

***
Balance un peu,
qui à gauche,
qui à droite,
glisse et me rattrape
aux branches confessions
de mon arbre de vie,
d’où je tourne le dos
au soleil se levant.

***
Demain,
oui, j’ai ri pour demain,
mais vois-tu,
s’il est encore en vie,
s’il fait encore envie,
j’irai noyer de vieux frissons
dans l’alcool d’abord,
puis les traînées d’amour
qui déchirent le ciel hymen,
immaculé désir
qui palpitait dans ton sommeil
que je regardais dormir
du bout des doigts.

***
Jets blancs de foutre réacteurs,
moitié acteur,
moitié menteur,
affabulateur sincère, pourtant,
gardien sans chien ni clés
des nuits d’amours
de vieux corps fatigués,
j’irai violer le ciel,
j’irai voler le sel,
retrouver de mon sang
le coeur du continent,
poupées de pailles,
roseaux de pacotille
aux figures d’ébène,
qui rient devant la mort,
dans un éclat de voix
qui couvre la savane.

***
Alors peut-être,
enfin,
mes poumons libérés,
comme l’est un nouveau-né,
dans un cri mise bas,
comme ces animaux sauvages
qu’on appelle les hommes,
je verrai les lueurs des visages
qui m’entourent,
les feux artificiels,
les promesses d’amour,
tout en souriant seul
aux longs traits blancs brisés.
Déchirant du ciel la bleue virginité,
accroché aux sourires
qu’on dévisage,
allumé aux voyages
que le feu du village
renverra dans mes yeux,
je pourrai dire je t’aime,
tu sais,
sans rancune aucune
d’avoir été heureux,
un moment,
quand le ciel rougissait
non pas de notre amour,
mais de devoir mourir
pour renaître
chaque jour.

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