Le petit rien qui rend fou, qui dit tout d’un âge avancé, d’un manque jamais comblé ou bien d’un trop plein de tout ; la goutte d’eau qui ne fait pas encore, pas encore, déborder le vase car il fuit, celle qui plic-et-plique toujours après que l’on a serré le robinet de ses humeurs à mort, comme une incontinence mentale. Le tringeling, cling, cling-cling obsédant de la petite cuillère qui danse sur le rebord de la tasse à café depuis tant d’années ; l’odeur écœurante à force d’être exhalée, le mono-parfum monoï ou vanille, la tâche d’humidité rebelle, les poils dans les narines ou les oreilles qui envahissent le portrait, la toux de nettoyage ou le pet libératoire du matin, le tic de langage insupportable à la longue, à la langue, l’innocent bégaiement, la fourche, le zézaiement, le pataquès que l’on dirait fait exprès, les œufs déguisés tout le temps le dimanche, le classement obstiné des yaourts dans le frigo, les miettes sous la chaise après le repas de midi, l’aspirateur tous les matins de bonne heure, l’effroyable bruit de la benne à verre, le tic-tac de votre vie qui va, qui part, le téléphone qui sonne sans personne, le smart égaré, les robots démarcheurs, l’incroyable rumeur dans ce coin de mur, ce parfum de dentelle dans l’armoire vide, un courant d’elle, comme un bruit d’aile floue, la possibilité d’une fin, enfin dehors un temps gris qui semble vouloir durer, et entrer, et pleuvoir encore…
