Marion Lubréac – « Moïrana »

Cinq heures du matin : Un volet bleu claque et gifle mon sommeil. Au dehors, les feuilles craquent méchamment sous le dard de la lune.
Ils ont érigé un grand mur rouge. Est-ce du sang ? On ne voit même plus le ciel. De mes paumes à vif, je martèle en aveugle la surface rugueuse et plate.
Y a-t-il un passage ? Ils ont attaché mon collier à un anneau scellé dans la pierre. J’ai blasphémé. J’ai tué. La plaine ploie sous mes cris sauvages et désespérés. Mes longs appels d’écorchée vive ravinent la montagne de pierres sèches.
Ils m’ont crevé les yeux. Enfermée dans la pénombre. J’ai froid. Mon désespoir n’a pas de fin.
Je ne peux que hurler et peut être que mes cris déchirants iront toucher le cœur du Soleil.
Je marche en rond au ras des pierres des cimetières inversés. Mon ventre gonfle. Il éclate et se répand sur mes chaussures.
Ils disaient que les petites filles sont magiques et qu’un arbre naît toujours de leurs cheveux. Qu’elles font éclore des oiseaux et plantent des plumes entre les fleurs.
Ils disaient que les grands chiens les comprennent et ne les oublient jamais.
Je longe la muraille poisseuse. Mes doigts rencontrent des lames de rasoirs.
Je ne peux plus vivre. Ni ici, ni dehors. Le soleil a calciné mes terres qui ne produiront même plus de larmes.
Où sont les nuages ? Où est le vent ? Le sol est fourbe et se dérobe.
On ne sépare pas un enfant du soleil.
On ne fracture pas les enfants on ne les musèle pas.
Je honnis leur dieu qui sème la terreur jusqu’aux ventres des femmes.
J’abhorre ce qui entrave la liberté.
Je m’assieds. Je médite. J’écoute pousser mon regard. J’ouvre mon troisième œil.
Celui de la guerrière des soleils noirs.

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