On l’appelle depuis le temps la Terre,
Celle qui fut jadis une immense mer,
Sans confins, sans continents,
Berceau de l’humanité d’antan.
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On l’a défigurée, presque dénaturée
Pour le luxe de l’Homme.
Vile modernité !
On en a fait une prison à ciel ouvert
Dressé des remparts, dans tout l’univers.
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Elle n’avait pourtant rien demandé,
Si elle le savait, elle se serait mutinée
Comme ses vaillants enfants pris en otage
Que les soldats poltrons mettent en cage.
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Il y a longtemps qu’ils sévissent sans loi
Longtemps qu’ils règnent, ces pitres rois
Sans gloire, avec leur massue brandie
Sur la tête des peuples. Ces pleutres bandits !
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Elle en devint malade qu’elle vomit,
Des roulures, par son sein grandis,
Par la voix des siens, élus, intronisés,
Érigeant des tours de son or vandalisé.
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Si on l’avait prévenue, la vieille nourrice,
Si elle voyait des signes, des prémisses
Que de ses flancs naîtront des renégats,
Elle aurait avalé ses rejetons, ces parias,
Comme un chat apeuré en fait autant.
Et s’il lui subsistait un grain de raison,
Elle dirait ses secrets aux survivants.
À l’aube, les silences bruissent…, Éditions L’Harmattan, 2022.
