
Je, tu, elle
Je veux jouer
Tu cours
Elle dit non
La petite
Météo bretonne
Madame
Viens (écouter la pluie)
La dame dans la boîte
La femme à la rose
Le brin de paille
Insomnie
Chansons à texte, chanteuse à voix, chansons d’anthologie. Le voilà enfin, ce nouvel album d’Alissa WENZ ! Pour nous faire patienter et nous mettre l’eau à la bouche, un titre était à l’écoute dès cet été sur Internet : « Météo bretonne ». Chanson métaphorique :
« Pourquoi
Je me sens parfois si loin
De toi …
Il faut pas que ça te donne
Du souci
C’est qu’une météo bretonne
Sur ma vie
On dit qu’il
Fait beau plusieurs fois
Sois tranquille »
Un climat versatile qu’elle connaît intimement puisqu’elle est originaire de cette région.

On retrouve, en un peu plus sobre (ce n’est ni une critique ni un compliment, c’est seulement un peu différent), son timbre grave et nuancé (qui vous donne toujours la chair de poule), ses textes éminemment poétiques, ses musiques qui semblent évidentes, tellement elles épousent les mots (un peu comme chez Brel).
Elle a confié les arrangements, excusez du peu, à Romain Didier, bien connu des amateurs de bonne chanson (il fut durant un certain temps le compositeur et le complice d’Allain Leprest).
Il s’agit là, contrairement aux galettes précédentes (car avant le CD de 2018 en trio, Alissa en avait déjà auto-produit deux. Mais si vous lisez fidèlement les coups de cœur sur le Dix Vins Blog, je ne vous apprends rien), d’une sorte d’album-concept, d’un itinéraire (et d’une leçon) de vie.
Si les deux premiers pronoms personnels qui servent de titre général ne sont pas genrés, le troisième est résolument féministe : à quoi s’oppose notre fille d’Éve ? Au parcours balisé d’une existence aussi morne que possible :
«Elle a mis les jupes roses
Elle a joué à la poupée
Elle a fait toutes les choses
Que font les filles bien élevées ».
Après quoi elle s’est livrée sans enthousiasme, et en principe pour la vie, à un prénommé Xavier, puis s’est installée comme coiffeuse à Nancy. Mais voilà qu’un beau soir :
«… elle dit non
Elle va prendre le premier train …
Adieu le salon
Adieu tout c’qu’on n’a pas choisi « .
« Tu cours »
Quel que soit le sexe, à quoi bon traverser l’existence à pas pressés? Car un triste jour, on s’aperçoit que c’est bien trop tard : l’enfance vite envolée, la carrière, l’argent gagné à la sueur de son âme, tout s’efface :
«Tu voudrais
qu’on te dise pourquoi
Pourquoi t’es vieux pourquoi ça doit s’arrêter là ».
Sur le droit à la différence, on rejoint la prédestination féminine et plus encore : ne pense-t-on pas également aux LGBT? :
« La petite » qui lit à l’écart des autres dans la cour de récréation :
« O ma petite ô ma très douce
Perdue parmi les jeunes gens
Qui reproduisent les secousses
Qu’ils ont observées chez les grands ».
Adultes, les femmes seraient tentées de s’identifier à « La dame dans la boîte », celle des répondeurs et autres GPS (peu de voix masculines, en effet) qui tracent votre itinéraire sur la route ou dans les dédales de quelque administration sans l’esquisse du moindre mouvement d’humeur. Mais Dieu merci, ça ne fonctionne pas très longtemps :
« Je veux plus marcher bien dans les clous
Je veux être imparfaite et maladroite
En attendant patiemment le jour où
On fera sortir les dames de leurs boîtes ».
Beau programme !

À noter encore une très belle histoire (il me semble que l’on observe actuellement un retour, timide, à la chanson narrative mais avec Alissa Wenz c’est du grand, du très grand art! Tout le mal que nous lui souhaitons, c’est d’accéder au rang d’une Barbara ou d’une Anne Sylvestre. Elle n’a que 36 ans et elle a déjà suffisamment prouvé qu’elle en avait la pointure). Bon, j’en viens à la chanson intitulée « Le brin de paille » : un marin illettré qui communique avec son épouse en glissant un simple brin de paille dans l’enveloppe. Un fétu qui en dit beaucoup plus long qu’une missive sur ses conditions de vie en campagne et sur ses sentiments à l’égard de sa Paimpolaise.
Je m’en voudrais de terminer sans vous donner le nom des instrumentistes qui coulent leurs notes dans la voix d’Alissa :
Romain Didier : piano, claviers (en plus des arrangements)
Catherine Petit : violon, alto
Agnès Le Batteux : violoncelle
Pascale Roger : clarinette
Jean-Pierre Niobé : bugle
Thibault Niobé : basse
Kentin Julliard : batterie, percussions.
Pour vous procurer cet album, demandez-le chez votre disquaire ou faites comme moi : commandez-le à EPM musique : contact@empmusique.fr ou : 3 bis rue Pérard 30600 CHATEAUROUX ou encore:02 54 22 31 44.

Une dernière info : Alissa a également publié son deuxième roman. J’avais écrit sur le blog à propos du précédent, « À trop aimer ». Celui-ci est très différent mais du même calibre. Il s’intitule «L’homme sans fil ». Tous deux sont édités par Denoël. Un cadeau de fin d’année pour vos proches (avec le CD, bien sûr) ?