
Que le flacon soit légèrement éventé importe peu quand le souvenir de l’ivresse est intact. Je revois cette » nuit de l’éternelle jeunesse « et je suis encore dans ce petit hôtel de la frontière suisse, SEUL dans la salle de télé, saisi de voluptueux frissons devant cet épisode des « Mystères de l’ouest « qui louche vers le fantastique. J’ai 11ans.
L’esprit de la Hammer, grande firme britannique qui, dans les années cinquante, dépoussiéra les mythes de Dracula et Frankenstein avec le concours de Peter Cushing et Cristopher Lee (1), souffle sur cette histoire tout comme le fantôme de l’Opéra hantait » La nuit de la diva « .

Il y est question d’élixir de jouvence et d’expériences dignes de celles du Dr Moreau, menées par un Jay Robinson fiévreux qui jamais n’oublie sa composition de Caligula dans » Les gladiateurs « . Le scientifique sans conscience tâtonne et sa formule d’éternelle jeunesse ne fait qu’accélérer le processus de vieillissement ( une mise en garde contre celles et ceux qui se font mutiler en recourant à la chirurgie esthétique !!! ). Lit piégé, vieux manoir, chambres équipées de plaques tournantes, orages, servante psychorigide, domestique muet, rien ne manque à l’appel. Les coups de tonnerre ponctuent les cris de gâteux poussés par le vieillard cacochyme qui n’est pas le grand père de Lavinia Sedgewick mais….son FRÈRE et, en quelques minutes, nous verrons la belle Sharon Acker/Lavinia devenir une femme hideuse et ridée pareille à » La Vieille » de Francesco TORBIDO. Un portrait qui, à l’Accadémia de Venise, troubla tant La Foscarina dans » Le Feu » de d’Annunzio :

« cette femme édentée, flasque et jaunâtre (…), cette ruine humaine pire que la pourriture, Parque terrestre qui tient entre ses doigts le cartouche sur lequel est écrite l’admonition « ...Brrr… James West flirtait hier avec cette femme qu’en un raccourci saisissant, il retrouve, au petit matin, ratatinée dans un fauteuil poussé par une » dame de compagnie « . Mignonne, allons voir si la rose….Plane sur les Sedgewick une malédiction pire que celle des Baskerville, et leur blason, un cœur percé par trois poignards en faisceau, adresse un dernier clin d’œil à Edgar POE et au roman gothique….
Sans recourir au sérum du Dr Maitland, j’ai retrouvé mes 11 ans…
(1)Pour tout savoir sur la cultissime firme, lire » Dans les griffes de la Hammer » de Nicolas Stanzick aux éditions « Bord de l’eau »(2008)