
Le nom de ce vénérable barbu canadien doit vous rappeler quelque chose si vous avez lu le coup de cœur que j’ai récemment consacré à Jofroi. En effet, dans son récent album, le chanteur s’est inspiré d’un texte de ce dernier pour écrire « Célébration des oiseaux » et lui a, en outre, dédié « Est-ce qu’il neige à Montréal ?».
L’œuvre d’ André Lavoie est à la fois abondante et d’une qualité d’écriture peu commune. Des poèmes, quelques chansons (n’a-t-il pas travaillé des années durant à la radio québécoise pour promouvoir les « descendants » de Félix Leclerc ?), des manières d’haïkus célébrant le grand âge ou les ailurophiles (autrement dit, les gens qui aiment les chats : rassurez-vous, moi non plus, je ne connaissais pas le mot avant de le lire sous la plume de notre ami), fustigeant les « lanceurs d’alerte relativement à un supposé Grand Remplacement, ou de pittoresques carnets de voyage, « sur les chevaux du cordonnier », comme disent les Teutons, à travers l’Hexagone.
Ses textes se sirotent délicieusement, tant ils sont inventifs, très souvent drôles (un humour du meilleur aloi), empreints d’une formidable humanité, émaillés en outre de savoureuses expressions typiques de la Belle Province (avec, en note, leur traduction dans l’idiome de chez nous).
Je vais vous en offrir un petit aperçu (pas forcément en respectant scrupuleusement la chronologie de leur rédaction mais on peut passer d’un sujet à l’autre sans jamais rompre le charme) :
-« La mer se tord les côtes » (avril 2012) : Le titre à lui seul donne le ton. Et plus encore les quelques lignes placées en exergue :
« À mes amis les poissons
et aux cigales scaphandriers
qui « stribullent »
au fond de l’océan
fantastique »
« Pour guider la course
de mon petit bateau de papier
je n’ai que des mots d’enfant espiègle
venez « bourlanguer » sur moi
on ne s’ennuiera pas ».
Vous ignorez tout des «stribullations » et du « bourlangage » ? Certes, mais, vu le contexte, je suis certain que vous avez deviné aisément le sens de ces termes qui sentent bon l’enfance.
On passe d’une milliardaire sur un bateau de croisière (qui demande à un serveur : « Faisons la bringue/ comme des dingues/et si vous me bricolez un héritier/vous serez archi récompensé » ; vaine proposition car, par malheur, « la prospère était ménopausée » (La croisière s’abuse »)) à un héron qui, au Gabon, « construit des tours Eiffel … pour Mégalos sans frontières » («Le coopérant »), puis à un poisson-scie prénommé Léonard qui « bossait pour des prunes/car Neptune, le pingre, ne le payait qu’en sel », lui disant : « Il faut bien gagner ton ciel/et puis la vraie richesse, quoi qu’on en pense/c’est d’accumuler de l’expérience ». Et finalement, « C’est en sciant que Léonard devint scie » (« Oeuvre d’une vie » !
« La mer se tord les côtes » est suivi de « La mer ricane » qui date également d’avril 2012.
Venons-en maintenant à un sujet en apparence moins léger : « Le dessert » (mai 2016). Il ne s’agit pas de mousse au chocolat mais … du crépuscule de la vie qui peut, lui aussi, se montrer onctueux si l’on sait l’apprivoiser. La deuxième partie s’intitule d’ailleurs « Bien vieillir ».
Je dois avouer qu’un arbitraire certain a présidé à mes choix. Je ne pouvais pas tout reproduire. J’aurais bien aimé. Vous découvrirez le reste par vous-mêmes.
Pour l’ailurophilie (miaou ! : voir plus haut!) et « Comme le mime Marceau », je fais l’impasse complète. Je préfère que vous lisiez ce coup de cœur jusqu’au bout.







Les racines ambulantes de ma poésie (balade à travers la France, avec un peu d’Helvétie en bonus) :
décembre 2018 :
« Devant moi, une grande table d’orientation fait flèches vers cent cités lointaines. J’ai donc des milliards de frères inconnus par là, par là et par là …
… Et si je profitais de cette quiétude mur à mur pour piquer un somme ? …
… Puisque le vieil adage prétend que qui dort dîne, autant roupiller sur la table.
Une botte à Melbourne, une botte à Bujumbura, le casque à Reykjavik, je ressemble à coup sûr à une statue hybride d’Alexandre le Conquérant et d’Alexandre le Bienheureux » (« Le Point sublime »).
« Un millionnaire peut être lessivé, un affront lavé, une plaie nettoyée, l’argent sale blanchi, seules mes chaussettes sont indécrottables. Tant pis, le détergent a fait ce qu’il a pu pour elles. En compagnie d’une douzaine de slips et de tee-shirts, je les confie au gros séchoir rotatif …
… Coincé derrière une table massive, j’attends, un œil impatient fixé sur la minuterie du séchoir, un autre plus relax sur l’activité d’une jeune femme assise à mes côtés. La blonde étrangère a
gribouillé à l’endos d’une vingtaine de cartes postales un oblique et identique « Youou ! – vacances merveilleuses – grosses bises – Anabelle » …
… « Dites, si je vous donnais mon adresse, vous m’enverriez aussi des grosses bises ?
-Comment ? Si vous … Si je … !!???
-Nous lavons notre linge sale ensemble. Je suis un peu de la famille. Non ? »
Annabelle sourit et me demande mon adresse. Je lui refile le nom et l’adresse de mon oncle Alphonse. En recevant les bises postales, mon oncle va s’exclamer : »Hé, Évelyne, viens voir un peu ! Tu connais une Anabelle, toi ? « « (« Les traces »).
Un immense merci à André Lavoie, un de ces trop rares humains qui contribuent à nous rendre meilleurs !
Et une gratitude tout aussi démesurée à Jofroi, sans lequel vous et moi serions morts sans savoir qu’un André Lavoie existait !
Voici maintenant le lien du blog d’un de ses amis, blog qui donne accès à ses œuvres :
http://claudefabry.canalblog.com/archives/2020/03/31/38153848.html