« On veut changer d’air, de climat moral et social, se soustraire à une emprise professionnelle comme si l’on secouait un joug ». Le sociologue André Siegfried expliquait ainsi les ruées saisonnières vers les lieux les plus fréquentés.
« C’est de cela que la majorité des gens ont le plus besoin ». Mais le laissait à peine entrevoir le lent redémarrage économique de l’après-guerre. Le plan de modernisation et d’équipement comptait bien toutefois l’accélérer.
Il se proposait d’accroître les revenus d’environ 20% sur cinq ans.L’I.F.O.P. enquêta pour en savoir l’usage auprès des salariés urbains. Parmi les grandes dépenses envisagées, la plupart achèteraient linge, vêtements et chaussures. Beaucoup souhaitaient déménager, se meubler, simplement se chauffer, ne plus manquer de viande, de beurre, surtout de fruits et légumes frais. Alors, de là à rêver de vacances…Seuls 4% des salariés en faisaient une priorité.
Destination…sur place
Un quotidien régional suivit dans la foulée l’institut de sondage. Mais au lieu d’un formulaire pointu sur les projets d’avenir, il s’en tint à quelques questions sur la façon des Stéphanois de vivre ces temps de pause. Beaucoup ne quittaient pas leur ville, à cause d’un voyage trop cher pour leur budget, même avec le billet des congés annuels. D’autres, attachés à la région, auraient dit comme Honoré d’Urfé, que le Forez, en sa petitesse, contient ce qu’il y a de plus rare au reste des Gaules. Des montagnes du Soir à celles du Matin, et du Pilat aux confins du Velay ils fréquentaient les bois, longeaient les rivières. Des villégiateurs, comme on disait encore, déversés par la Micheline sur le quai d’une gare-modèle…réduit, qui emportaient dans des valises en carton leurs envies de truites, de baignades ou bien de champignons.
Et pourtant, l’Agence du Tourisme ne pouvait satisfaire aux demandes, nombreuses, de soleil et de sable, et du sel des premières migrations. Sur la Côte d’Azur, Sainte-Maxime et Bandol cueillaient déjà les faveurs d’un rituel stéphanois. Plus que l’Espagne, s’ajoutait l’Italie grâce au prix attractif de ses chemins de fer ou la remise de bons d’essence. Les Baléares, la coqueluche de l’été 55, pour des frais de séjour avantageux, affichaient complet jusqu’au 20 août.
Comme consolation, il restait toujours la formule économique des villages de toile. Il s’en trouvait sur les bords de la Méditerranée, en Algérie et même en Grèce. A tout prendre, les inconditionnels du dépaysement allaient sans hésiter risquer la tente…hâtive.
Malgré des fins de mois difficiles pour la plus grande partie de la population et rien que douze jours ouvrables de congés payés par an, c’était autant de frémissements… Le besoin grandissant des loisirs rejoignait une certaine idée du bonheur.