A Constantin, in memoriam

Constantin c’était avant tout un de mes meilleurs potes, celui de mon compagnon aussi, je sais qu’aujourd’hui où qu’ils soient ils sont ensemble et veillent sur moi. Constantin c’était le chroniqueur cinéma et littérature du blog de 2013 à fin 2017, et même s’il n’écrivait plus pour des raisons personnelles il restait un fidèle d’entre les fidèles du blog, un ami apprécié de tous pour sa gentillesse, son amitié, sa fidélité et son talent sans pareil pour nous parler de son pays la Grèce et de son cinéma et sa littérature. Cinéma d’auteur, littérature engagée, mais aussi un amour inconditionnel pour la poésie de Baudelaire et Rimbaud. En mai 2017, c’est ensemble que nous avons réalisé un rêve commun : découvrir Cuba, un mois de rêve à traverser l’ile du Nord au Sud en baroudeurs, pas en touristes, une aventure qui sans lui n’aurait pas eu le même goût. Constantin s’en est allé un vendredi de décembre, comme çà…il s’est endormi et ne s’est pas réveillé… Mais pour nous ses amis il est toujours là avec nous et ses écrits sur le blog sont autant de preuves de son attachement au blog, aux amis, aux lecteurs qui lui survivront.
Tous les ans il se rendait en Grèce, son pays d’origine, qu’il aimait tant, il avait d’ailleurs prévu d’y finir ses jours, au soleil face au bleu de la Méditerranée…Ce poème est un hommage à la ville de Rethymno, en Crête que Constantin aimait tant et à travers elle c’est toute la Grèce qu’il fête.
Rethymno,
petite sœur de la côtevénitienne dès l’aube,
ottomane zénithique
grecque insoumise au crépuscule.
De Sainte Irini à la mosquée Nérantzès
Près de la fontaine Rimondi jusqu’au pied de la forteresses’échappent
des parfums volages de cuisines sous de touffus tunnels de vigne.
Chez Evanguélia, les joueurs de tavli, de dominos, d’échecs..
aux regards soucieux, aux mains crispées, aux gestes précis
racontent des histoires ou se taisent.
Des tasses de porcelaine rondelettes aux bouches charnues,
remplies de liqueurs noires brûlantes
Se pavanent de tables en comptoirs.
Rethymno, petite sœurtu veux grandir, t’émanciper ?
Comment s’y prendre ?
Te farder outrancieusement par pure provocation obscène ?
Aguicher le chaland et séduire le voyageur iconoclaste ?
épater les corsaires ?
Remember, petite soeur
Dans tes veines coule un liquide épais
résurgence de blessures profondes
Au son de la Lyre, du tambourin, du violon
Danse ma belle, hirondelle égarée sous la lune globuleuse
Soulage ton coeur meurtri opa ! opa !
Glisse tes rêves sous les portes muettes
plante tes rires dans chaque cour et jardin
Casse des piles d’assiettes inutiles.
Sous un voile de pudeur languissant oublie le vent du large
le chant criard des sirènes geôlières
respire le parfum de ton souffle enraciné.
Rethymno, petite soeur
Laisse-moi t’aimer avant, maintenant, à jamais
Caresser du bout des doigts ta chevelure d’algues,
sentir dans ton cou la fleur insolente des villages,
Enlacer du haut des fortifications tes enfants sacrifiés
sur l’autel hideux de la modernité.
Réchauffer ces visages fourbus, malicieux, ridés
Sourire aux premiers cheveux blancs.
Pirater les fentes secrètes de tes recoins ombragés
sous le soleil engourdi du calme matin frais
Rethymno, petite soeur sur tes lèvres le sel de la vie
dépose des perles cristallines de figuier
des morsures d’olivier ciselé.
Fugueuse le jour, tu me reviens la nuit à pas feutrés,
dans les tavernes enfumées près des kiosques scintillants,
enchaînée au phare bercé par les caïques.
Avec tes rêves de beauté, de liberté
tu entonnes des chansons d’amours, de plaintes, de désirs, de luttes incessantes
qui arrosent les pavés éreintés d’une sève écarlate.
Rethymno, petite soeurAutour de l’agora, des minarets,
dans les ruelles ta silhouette svelte réprouve les épreuves du temps
Aman, Aman ! Amertume et tristesse.
Rue Souliou, rue Ouzaki, rue de Smyrne
Tu me prends la main pour te suivre
ta paume de soie fiévreuse, tremble, palpite.
Ta chaleur me pénètre, m’inonde
le tsikoudia avalé d’un trait brûle en moi
Le vin rouge est rosé.
Dans la minuscule taverne
Maria me sourit !
