
Quatrième de couverture :
« Chacun connaît les pyramides égyptiennes, les temples grecs, le forum romain et convient que ces traces de civilisations mortes prouvent… que les civilisations meurent – donc qu’elles sont mortelles ! Notre civilisation judéo-chrétienne vieille de deux mille ans n’échappe pas à cette loi.
Du concept de Jésus, annoncé dans l’Ancien Testament et progressivement nourri d’images par des siècles d’art chrétien, à Ben Laden qui déclare la guerre à mort à notre Occident épuisé, c’est la fresque épique de notre civilisation que je propose ici.
On y trouve : des moines fous du désert, des empereurs chrétiens sanguinaires, des musulmans construisant leur « paradis à l’ombre des épées », de grands inquisiteurs, des sorcières chevauchant des balais, des procès d’animaux, des Indiens à plumes avec Montaigne dans les rues de Bordeaux, la résurrection de Lucrèce, un curé athée qui annonce la mort de Dieu, une révolution jacobine qui tue deux rois, des dictatures de gauche puis de droite, des camps de la mort bruns et rouges, un artiste qui vend ses excréments, un écrivain condamné à mort pour avoir écrit un roman, deux jeunes garçons qui se réclament de l’islam et égorgent un prêtre en plein office – sans parler de mille autres choses… Ce livre n’est ni optimiste ni pessimiste, mais tragique car, à cette heure, il ne s’agit plus de rire ou de pleurer, mais de comprendre. »
Michel Onfray
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J’aime beaucoup Michel Onfray. J’aime sa manière de « vulgariser » la philosophie, j’aime l’entendre parler d’Épicure, de Nietzsche, de Camus. De mon point de vue, c’est un philosophe hors pair, un travailleur infatigable.
En revanche, son écriture est maladroite, parfois bancale. Il est bien plus à l’aise à l’oral. À l’écrit, ses mots s’embrouillent. On le sent parfois même fâché avec la syntaxe et la grammaire les plus élémentaires. Cela ne serait pas grave, entre nous, s’il y avait chez Flammarion, son éditeur, des correcteurs et de relecteurs dignes de ce nom, qui pourraient se permettre de reprendre ses phrases, réduire ses empilements d’adjectifs et surtout corriger ses confusions de lieux, de dates, de personnages (souvent dans le même paragraphe).
Michel Onfray prétend dans cet ouvrage faire non seulement œuvre de philosophie, mais également d’histoire. Il prétend retracer dans cet ouvrage la totalité de l’histoire de notre civilisation, qu’il qualifie de « judéo-chrétienne ». Il soutient la thèse que notre Occident est épuisé et qu’il sera bientôt submergé par la horde des « fous de Dieu » venus de l’Orient et du Maghreb.
Dès le premier chapitre, portant sur le christianisme antique, Michel Onfray s’emballe, il éructe, il vocifère (j’empile moi aussi les verbes !). Il n’a pas de mots assez durs pour décrire Jésus, Paul, les apôtres, les Pères de l’Église. Il s’y prend à l’envers : plutôt que d’analyser les événements pour en tirer une conclusion, forcément pondérée et raisonnable, il se forge une thèse et tente de la démontrer en ne conservant que les faits qui confirment cette thèse. Il conteste l’historicité de Jésus, alors qu’elle a été établie depuis quelques décennies déjà. Il cite des sources authentiques, mais les paraphrase jusqu’à les vider de leur substance, il fait dire à certains personnages des paroles qu’ils n’ont pas dites. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est Jean-Marie Salamito, un normalien, agrégé de lettres classiques, spécialiste du christianisme antique, qui a publié un petit ouvrage « Monsieur Onfray au pays des mythes », dans lequel il lui répond point par point au sujet du christianisme des débuts jusqu’à l’empereur Constantin, et notamment sur les Pères de l’Église.
Un seul chrétien semble trouver grâce à ses yeux : François d’Assise qui, pendant une Croisade, réussira à négocier, avec un calife du Caire, des termes de paix très avantageux, que les Croisés déclineront, ce qui provoquera un désastre. Et encore, explique-t-il, il ne l’a fait que dans un désir de se jeter dans la gueule du loup, dans un élan masochiste et avec l’incroyable prétention de convertir le Calife et tous les musulmans avec lui !
Loin de moi l’idée de dégager l’Église de ses responsabilités dans le massacre de milliers de personnes au cours de l’Histoire au nom de Jésus-Christ, sans parler des récentes affaires de pédophilie si honteusement dissimulées sans aucune considération pour les victimes, de l’interdiction du préservatif (qui pour moi n’est pas loin d’être un acte criminel), etc. Mais il faut être honnête et regarder tous les aspects d’un sujet, lorsqu’on est philosophe.
Tout cela me fait dire une chose : Michel Onfray ne devrait pas écrire sur la religion. On devine, dans son attitude, une colère inextinguible, un ressentiment très fort. Pour écrire un tel ouvrage, il faut laisser ses affects au placard et ne laisser parler que l’intellect. Il voudrait faire comme Nietzsche et « philosopher à coups de marteau », mais Nietzsche inventait des formes originales (« Ainsi parlait Zarathoustra » est écrit comme un ouvrage de sagesse orientale, « Le Gai Savoir » est parsemé d’aphorismes et de courts paragraphes sur divers sujets), il avait une certaine ironie, une distance, une légèreté même que Michel Onfray n’a pas lorsqu’il parle de ce sujet.
Cela vaut également pour ce qu’il dit sur la suite de l’Histoire : l’Islam, les Lumières, la Révolution Française et l’époque contemporaine. Ce n’est qu’une suite ininterrompue de coups de griffes, notamment à Jean-Jacques Rousseau, dont il estime que les idées ont justifié la Terreur et les régimes totalitaires du XXe siècle. Il voudrait nous faire détester l’Occident « judéo-chrétien » ( finissant, selon lui ), le détruire par avance sous un flot d’éructations haineuses, afin que nous ne le pleurions pas.
On notera cependant quelques chapitres intéressants : celui concernant Montaigne, qui a introduit le principe de relativisme culturel et l’idée de tolérance, celui sur le protestantisme qui, par une « ruse de la raison », fera émerger l’idée de laïcité et celui qui parle de Vatican II, qu’il qualifie de « mai 68 pour les chrétiens ».
« À cette heure, il ne s’agit plus de rire ou de pleurer, mais de comprendre », dit-il. On pleure beaucoup, on rit ( jaune ) aussi parfois et on ne comprend par forcément toujours.
Monsieur Onfray, s’il vous plaît : continuez à nous parler des philosophes, de la philosophie. Vous êtes un athée matérialiste convaincu, cela nous va très bien. Mais point n’est besoin en philosophie de vouloir détruire l’autre. Il faut lui opposer des arguments. Argumentez, Monsieur Onfray, vous savez le faire. La vocifération ne vous va pas du tout.