Serge Granjon : les visiteurs d’un jour : Blanqui, l’enfer de Dante

En 1879 Blanqui, gracié, sortit de prison. Il fonda un journal « ni dieu ni maître « , et prit, si l’on peut dire, son bâton de pèlerin pour une tournée à travers le pays. Mais son activisme intransigeant lui valait bien des haines.

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Blanqui

« La République est le gouvernement qui nous divise le moins », avait proclamé Thiers. La famille Blanqui tint lieu de contre-exemple. Dans la convention, le père fut élu député girondin. Arrêté sous la Terreur par ses collègues Montagnards, il connut un temps la prison. Il en produisit cette étonnante brochure : « mon agonie de dix mois ». Son fils Louis-Auguste par la suite aurait pu la compléter de plusieurs tomes, et rien qu’en modifiant le titre : mon agonie de …trente-six ans.

Enfin hors de cage, le lion allait-il rugir à la face des peuples ? C’était compter sans les haines désenchaînées. Des journaux républicains, plus après encore que ceux d’opposition, ne virent dans leur ancien frère d’armes qu’un « mannequin- épouvantail », un « imbécile «, à défaut « un vieux toqué «.

Mais la démesure même se fit révélatrice, comme si la dérision offrait, sans le vouloir, des pans de vérité. Ainsi pareille cajolerie : à Saint-Étienne une foule de regards se porta sur son chapeau, « témoin de 25 ans d’émeutes et de 40 ans de captivité ; bossué, déchiqueté, crasseux «. Napoléon, lui, changeait souvent de bicorne. Blanqui conserva avec un soin jaloux son glorieux couvre-chef. Il l’accompagna dans les prisons d’Etat, Mont Saint-Michel et Belle-Ile en Mer, Corte et Sainte Pélagie, Mazas, Clairvaux enfin. Il symbolisait l’épuisement de son maître, au terme d’une vie plus qu’ascétique et, de défaite en outrage, l’accablement moral.

MYSTIQUE DUN COMBAT POLITIQUE

Fils d’un sous-préfet d’Empire, il aurait pu, après des études de médecine et de droit, suivre carrière avantageuse. Il se fit républicain des luttes désespérées. Privilégiant l’action, il voulut, pour son malheur, opposer la force à l’oppression.

Dans sa jeunesse, il se nourrissait de légumes, de fruits et bientôt de cet autre fruit défendu : «  Histoire de la conspiration pour l’égalité ». L’auteur, Buonarotti fut, avec Babeuf, en 1796, de la conjuration des Egaux. Ils voulaient renverser le pouvoir corrompu du Directoire pour instaurer un communisme élémentaire.

Devenu précepteur à Paris de la fille d’un riche banquier, Blanqui l’épousa au bout de six années d’une passion mutuellement cachée. Sa première condamnation, censée perpétuelle, la ferait mourir de langueur.

Un jour il évoqua «  pendant un an l’agonie d’une femme aimée s’éteignant loin de moi dans le désespoir ; puis quatre années entières dans la solitude de la cellule avec le fantôme de celle qui n’était plus, tel a été mon supplice, à moi seul, dans cet Enfer de Dante ».

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